Trois questions à… Quentin Urban, directeur de l’Institut d’études judiciaires de l’Université de Strasbourg, directeur du festival « Justice en Cultures »
Comment distinguer le statut de réfugié politique de celui des autres immigrés ?
Le statut de réfugié politique doit être distingué de celui de l’étranger, résident ordinaire et de l’immigrant sans papiers. Le réfugié politique, persécuté dans son pays d’origine ne peut, le plus souvent, à son entrée en France, justifier d’un document l’autorisant à entrer, encore moins d’un titre de séjour. Pourtant, le simple dépôt d’une demande de statut de réfugié lui donne le droit de pénétrer sur le territoire national. Après examen de son dossier, il peut obtenir le statut de réfugié politique, reconnu par la Convention de Genève sur le droit d’asile du 28 juillet 1951. En revanche, l’immigrant ordinaire non ressortissant communautaire doit, pour pouvoir entrer et séjourner durablement en France justifier non seulement d’une autorisation d’entrée mais aussi de séjour, voire de travail. Cette immigration est quantitativement peu importante. L’immigrant qui se rend en France pour travailler sans détenir ces autorisations a peu de chances de voir sa situation régularisée. C’est la raison pour laquelle on estime qu’il y a quelques centaines de milliers de travailleurs immigrés sans titre de séjour et de travail qui séjournent et travaillent en France. Cette population en situation irrégulière trouve son origine dans ce qu’il est convenu d’appeler l’immigration économique. Nous sommes donc en présence de trois catégories d’immigrants non ressortissants communautaires, séjournant en France : les réfugiés politiques, les étrangers ordinaires et les sans papiers. La notion juridique de « réfugié de guerre » évoquée récemment par les débats politiques n’existe pas.
Quelle est votre opinion sur le retournement opéré ces dernières semaines dans la classe politique et l’opinion publique sur l’accueil des réfugiés du Proche et Moyen Orient et de plus loin encore ?
Je suis sceptique sur l’existence d’une volonté politique durable de la classe politique et de l’Etat français de se montrer accueillant à l’égard des réfugiés politiques que sont les Afghans, les Syriens, les Irakiens ou encore les Kurdes. Le gouvernement surfe sur la vague d’émotion qui agite l’opinion, mais il est plus que probable que la bulle se dégonflera vite. Je crois davantage à l’action humanitaire, née d’initiatives locales. Une générosité puissamment exprimée peut inciter l’office des réfugies (OFPRA) et les autorités préfectorales à régulariser localement les situations de réfugiés en plus grand nombre et plus rapidement.
Plus globalement, je suis convaincu que l’ouverture de nos frontières est porteuse de richesse culturelle, sociale et économique. Il faut donc l’encourager. Ainsi, par exemple, que serait la vie artistique dans la France d’aujourd’hui sans l’immigration dans les années 1920-30 d’artistes étrangers comme Picasso, Magritte, Chagall, Kandinsky…? Et que représente l’accueil de 24 000 réfugiés, dont on parle aujourd’hui, en comparaison des 140 000 Arméniens accueillis au lendemain de la Première Guerre mondiale dans une France peuplée alors de 37 millions d’habitants ?
Le comité d’organisation du festival Justice en cultures n’a pas attendu les vagues récentes de migrations massives pour programmer une rencontre sur le thème de l’immigration irrégulière.
Effectivement, parmi toutes les rencontres proposées dans des lieux emblématiques de la culture strasbourgeoise, la soirée du 28 septembre au Cinéma Star à 20 h est consacrée aux immigrés clandestins avec la projection du film « Hope ».
En nous intéressant aux marges de la justice pour cibler ses dysfonctionnements, nous souhaitons contribuer à restaurer la confiance à laquelle aspirent les citoyens à l’égard de la justice de leur pays et essaimer ces rendez-vous en différents lieux de Strasbourg nous permet de toucher le public le plus divers possible.
Le festival Justice en cultures "Aux marges de la justice" propose projections-débats, tables rondes et exposition jusqu'au 15 octobre 2015, dans divers lieu de Strasbourg. Programme et vidéos des tables rondes à voir sur UTV sont disponibles en ligne.
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Envoyez votre info à medias@unistra.fr avant le mardi 6 octobre midi pour une parution le vendredi 9 octobre 2015. Consultez les dates des prochains numéros.